Zoltikar, à votre service

« Approchez, étranger, approchez, n’ayez pas peur. »

Vos pas vous mènent jusqu’à un étrange feu aux lueurs incendiaires. Quelques silhouettes sont déjà là, posées sur un tronc évidé par les vers ou sur un paquetage moelleux. Vous sentez les regards, tantôt curieux, tantôt suspicieux. Votre hésitation fait naître un rire à votre gauche, et quelle n’est pas votre surprise en aperçevant …

« Seriez-vous effrayé par un chat ? » glousse le félin noir, le regard hautain et amusé.

Il est assis à côté de la flambée qui donne à son poil noir des allures de brasier enténébré. Vous ressentez une certaine fascination devant l’animal, interloqué que vous êtes de voir un simple greffier parler.

« Comment pouvez-vous communiquer ? » voux exclamez-vous, peut-être un peu plus fort que vous ne l’aviez escompté.

C’est que la nuit rend vos peurs plus tangibles, plus réelles. Etonnamment, cette cour disparate d’étrangers vous fait vous sentir en sécurité. Plus surprenant encore, vous réalisez que la présence du félin ne crée aucune panique en vous. Comme si une part de vous-même acceptait tout cela sans sourciller, avec joie.

« Laissons les questions ennuyantes de côté, voulez-vous ? Asseyez-vous, cela ne doit être guère confortable de rester debout dans l’obscurité de la nuit, à attendre que sa voûte céleste ne se colore de soleil. Ne sentez-vous pas le vent froid des chimères tapies dans les ombres ? » Son ton est moqueur, mais vous obéissez docilement. Le feu a cet effet hypnotique, réconfortant. Au moins, vous pouvez vous réchauffer un peu, posé sur le caisson de bois près de l’embrasement.

« Je m’appelle Zoltikar. Chat, satimbanque s’il en est, compagnon de route, mercenaire parfois … » Le timbre du félin est riche, un peu rauque mais très agréable à l’oreille. Ses notes sont maîtrisées, et vous n’avez aucune difficulté à l’imaginer chanter.

Un chat pousseur de chansonnette ? Cette nuit est décidément pleine de surprises. Vous n’ajoutez rien, espérant qu’il continuera sur sa lancée. Le dénommé Zoltikar semble aimer s’écouter parler.

« D’où venez-vous ? Non, laissez-moi deviner. Vos habits colorés, cette jolie bague à votre annulaire … Vous venez de Lèz-Palavez, non ? Bien sûr, que j’ai raison » ronronne t-il à votre hochement de tête. « Vous avez donc connaissance des différentes magies qui traversent ce monde. Port-Bretta, vous connaissez sûrement, et par là transitent des gens si différents … Mais laissez-moi vous conter bien des choses. Car là est ma voie, là est mon destin : raconter ce qui est passé, pour offrir le savoir aux gens de passage. Laissez-moi vous dicter les histoires des Pirates des îles du sud. Ecoutez avec attention les origines des Dieux. Tremblez devant les actes innomables qui fûrent commis pour de ténèbreuses raisons. »

Sans que vous sachiez comment, le chat est là, devant vous. Son regard princier, impérieux, vous engourdit en quelques secondes. La chaleur du feu est caresse nocturne sur vos mains et votre visage. Ces prunelles dorées dans lesquelles dansent les flammes sont deux portes ouvertes sur un monde calciné.

« Oui, étranger, consentez à accueillir en votre sein les nombreuses fables qui sont miennes … »

Le chat sembla sourire alors que l’attention se tournait vers lui.

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